Gérer le stress : comprendre les stratégies de coping

Nous vivons tous du stress, qu’il s’agisse d’un examen, d’un imprévu au travail ou d’un conflit relationnel. Pourtant, chacun y réagit différemment : certains affrontent la difficulté de front, d’autres cherchent à se calmer, et d’autres encore préfèrent détourner leur attention. Pourquoi de telles différences ? Et surtout, quelles sont les stratégies les plus efficaces pour gérer le stress ?

Pour répondre à ces questions, nous allons explorer le modèle transactionnel de Lazarus et Folkman (1984), référence incontournable en psychologie du stress, et les recherches qui l’ont enrichi par la suite.

Illustration artistique de chevaux en lutte, utilisée pour représenter le stress et la confrontation intérieure.

Qu’est-ce que le stress ?

En psychologie, le stress ne se limite pas à “être débordé”. C’est une réponse de l’organisme face à une situation perçue comme menaçante ou dépassant nos ressources (Lazarus & Folkman, 1984).

On distingue :

  • le stresseur : l’événement ou la situation (examen, surcharge, conflit) ;

  • le stress : la réaction physique, émotionnelle et cognitive qui en découle.

Ainsi, deux personnes confrontées au même stresseur ne réagiront pas forcément de la même manière.

Le modèle transactionnel de Lazarus & Folkman

Lazarus et Folkman (1984) insistent sur le fait que le stress est un processus dynamique entre l’individu et son environnement.

  1. Évaluation primaire : j’interprète l’événement. Est-ce une menace (danger ou perte potentielle), un défi (opportunité de croissance) ou neutre ?

  2. Évaluation secondaire : j’évalue mes ressources : ai-je les compétences, le soutien social, le temps ou l’énergie nécessaires pour gérer la situation ?

Modèle transactionnel du stress de Lazarus et Folkman : schéma avec stresseur, évaluation primaire et secondaire, menant à pas de stress, menace ou défi.

👉 Si j’estime que mes ressources suffisent, la situation est perçue comme un défi. Cela peut générer de la motivation, de l’énergie et même du stress positif (eustress).

👉 Si j’estime que mes ressources ne suffisent pas, la situation est vécue comme une menace. Cela active une réaction de stress plus forte, qui peut mener à des comportements d’évitement, à l’épuisement ou à l’anxiété si le déséquilibre persiste.

Dans ce cas, la personne mobilisera des stratégies de coping : soit pour agir directement sur le problème, soit pour moduler sa réaction émotionnelle. L’efficacité dépendra donc du choix de la stratégie en fonction de la situation.




Peinture d’un homme détendu dans un fauteuil, utilisée pour illustrer, le coping, la régulation des émotions et le relâchement face au stress.

Les prolongements du modèle

Les recherches ultérieures ont apporté des nuances :

  • Coping orienté sens : trouver des bénéfices ou redonner une signification quand la situation est incontrôlable (Folkman, 2008).

  • Coping proactif : anticiper et se préparer à des stresseurs futurs (Aspinwall & Taylor, 1997).

  • Flexibilité de coping : la capacité à adapter sa stratégie selon le contexte est plus importante que la stratégie elle-même (Cheng et al., 2014).

  • Régulation des émotions : des tactiques comme le recadrage ou l’acceptation peuvent être plus efficaces selon le timing (Gross, 2015).

  • Conservation des ressources (COR) : le stress survient surtout lors d’une perte de ressources (temps, énergie, argent, relations) (Hobfoll, 1989).

  • Défi vs menace : percevoir une situation comme un défi plutôt qu’une menace modifie radicalement la réponse (Blascovich & Mendes, 2010).




Les stratégies de coping

Le coping est défini comme l’« ensemble des efforts cognitifs et comportementaux pour gérer des exigences spécifiques internes ou externes perçues comme dépassant les ressources de l’individu » (Lazarus & Folkman, 1984).

  • Ces stratégies visent à agir directement sur la source du stress.

    • Exemples : planifier ses révisions avant un examen, demander des conseils, réorganiser son emploi du temps, négocier un délai.

    • Utile quand : la situation est contrôlable (examen, surcharge de travail, conflit à résoudre).

    • Moins utile quand : le problème est irréversible ou incontrôlable (deuil, maladie chronique).

  • Ces stratégies visent à réguler les réactions émotionnelles pour mieux vivre le stress.

    • Exemples : se confier à un ami, pratiquer la respiration, relativiser (“ce n’est qu’un épisode passager”), exprimer ses émotions par l’écriture ou l’art, utiliser l’humour.

    • Utile quand : la situation est difficile à changer à court terme, ou lorsqu’on a besoin d’apaiser la tension avant d’agir.

    • Moins utile quand : utilisé seul sur des problèmes qui nécessitent des actions concrètes (ex. payer ses factures).

  • Il s’agit de redonner une signification à la situation.

    • Exemples : tenir un journal de gratitudes, voir l’épreuve comme une opportunité d’apprendre, trouver un objectif supérieur.

    • Utile quand : on ne peut pas changer la situation mais on peut changer la façon de l’intégrer dans sa vie.

    • Moins utile quand : employé trop tôt, avant d’avoir reconnu et exprimé ses émotions négatives.

  • Il consiste à anticiper les sources de stress pour limiter leur impact.

    • Exemples : préparer un plan B, épargner, se former avant une tâche complexe.

    • Utile quand : on a la possibilité d’anticiper (ex. préparer un entretien à l’avance).

    • Moins utile quand : on tombe dans l’anticipation anxieuse de tout, ce qui peut devenir stressant en soi.

  • Chercher du soutien auprès des autres, qu’il soit émotionnel (réconfort) ou instrumental (aide concrète).

    • Exemples : parler à un ami, demander conseil à un mentor, rejoindre un groupe de soutien.

    • Utile quand : on a accès à un réseau fiable, ou quand on a besoin de recul extérieur.

    • Moins utile quand : on s’appuie uniquement sur les autres sans développer ses propres ressources.

  • C’est le fait de fuir ou détourner son attention du problème.

    • Exemples : procrastiner, se plonger dans une série, consommer de l’alcool pour “oublier”.

    • Utile quand : utilisé à très court terme pour reprendre de l’énergie avant d’agir.

    • Moins utile quand : il devient la stratégie principale → risque d’aggraver le problème ou de créer de nouvelles difficultés.

  • Inspiré de la pleine conscience et de la thérapie d'acceptation et d'engagement (ACT), il consiste à accepter ce qui ne peut être changé et agir malgré l’inconfort.

    • Exemples : accepter une douleur chronique, pratiquer la méditation de pleine conscience, vivre selon ses valeurs malgré l’adversité.

    • Utile quand : la situation est réellement incontrôlable.

    • Moins utile quand : confondu avec la résignation ou la passivité.

Quand le coping devient problématique ?

Certaines stratégies sont adaptatives dans un contexte et nuisibles dans un autre.

  • Exemple : éviter un conflit peut apaiser temporairement, mais l’ignorer constamment peut l’aggraver.

  • De plus, des stratégies comme la rumination ou la suppression émotionnelle sont souvent associées à des symptômes anxieux ou dépressifs (Aldao et al., 2010).

L’idée clé : la flexibilité est centrale.



Comment développer ses ressources de coping ?

Le coping n’est pas une capacité figée : comme un muscle, il peut se renforcer avec l’entraînement. Voici quelques pistes pratiques :

Illustration ancienne d’une consultation, utilisée pour symboliser l’identification des stresseurs et des réponses face au stress.

1. Identifier ses stresseurs et ses réponses habituelles
On ne peut pas améliorer ce qu’on ne connaît pas. Un bon point de départ est de tenir un journal du stress : notez les situations qui vous mettent sous tension, vos réactions physiques (tension musculaire, accélération du cœur), émotionnelles (colère, tristesse, anxiété) et vos comportements (fuite, action, rumination). Cela permet de repérer vos schémas habituels et de voir quelles stratégies vous reviennent le plus souvent.


2. Apprendre à distinguer ce qui est contrôlable de ce qui ne l’est pas
Une question simple peut aider : “Est-ce que je peux faire quelque chose concrètement, ici et maintenant ?”

  • Si oui → opter pour un coping centré sur le problème.

  • Si non → privilégier des stratégies centrées sur les émotions ou l’acceptation.
    Cet exercice évite de gaspiller de l’énergie à lutter contre l’inévitable.



3. Entraîner le recadrage cognitif
Le recadrage cognitif (ou reappraisal) consiste à changer la façon dont on interprète une situation. Par exemple :

  • Au lieu de penser “cet examen est une catastrophe”, se dire “c’est une occasion de montrer ce que j’ai appris”.

  • Transformer “j’ai échoué” en “j’ai appris ce qui ne marche pas, et ça me servira la prochaine fois”.
    Un bon entraînement est de prendre chaque stresseur et de chercher au moins deux interprétations alternatives, plus constructives.

4. S’entourer d’un bon réseau social
Un réseau social “de qualité” ne se mesure pas au nombre d’amis, mais à la fiabilité et la diversité du soutien :

  • Une personne qui vous écoute sans juger.

  • Quelqu’un capable de vous donner un conseil concret.

  • Un proche avec qui partager des moments agréables, qui n’ont rien à voir avec le problème.
    Un réseau équilibré combine soutien émotionnel (se sentir compris) et soutien instrumental (recevoir de l’aide pratique).

Peinture d’un banquet convivial, utilisée pour illustrer l’importance d’un bon réseau social et du soutien dans la gestion du stress.

5. Cultiver ses ressources personnelles
Le stress épuise nos “réserves”. Il est donc essentiel de les reconstituer régulièrement :

  • Le sommeil : base biologique de la régulation émotionnelle.

  • L’activité physique : réduit la tension corporelle et stimule les endorphines.

  • Les activités de plaisir : lecture, art, jardinage, musique… tout ce qui recharge les batteries.

  • Les compétences : apprendre de nouvelles façons de gérer ses émotions ou de résoudre des problèmes.



Quand le stress déborde : consulter
Parfois, nos stratégies habituelles ne suffisent pas, surtout face à des situations prolongées ou intenses (burn-out, deuil, anxiété chronique). Dans ce cas, consulter un professionnel peut permettre d’apprendre de nouvelles stratégies et de bénéficier d’un espace d’écoute neutre et bienveillant.

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En résumé

Le stress est inévitable, mais la façon dont nous y faisons face dépend de nos évaluations et de nos ressources. Les recherches montrent qu’il n’existe pas de stratégie unique : la clé est d’apprendre à varier ses réponses et à renforcer ses ressources.

En d’autres termes, nous ne pouvons pas toujours contrôler le stress, mais nous pouvons contrôler notre manière d’y répondre.




    • Aldao, A., Nolen-Hoeksema, S., & Schweizer, S. (2010). Emotion-regulation strategies across psychopathology: A meta-analytic review. Clinical Psychology Review, 30(2), 217–237. https://doi.org/10.1016/j.cpr.2009.11.004

    • Aspinwall, L. G., & Taylor, S. E. (1997). A stitch in time: Self-regulation and proactive coping. Psychological Bulletin, 121(3), 417–436. https://doi.org/10.1037/0033-2909.121.3.417

    • Blascovich, J., & Mendes, W. B. (2010). Social psychophysiology and embodiment. In S. T. Fiske, D. T. Gilbert, & G. Lindzey (Eds.), Handbook of social psychology (5th ed., Vol. 1, pp. 194–227). Wiley. https://doi.org/10.1002/9780470561119.socpsy001006

    • Cheng, C., Lau, H. P. B., & Chan, M. P. S. (2014). Coping flexibility and psychological adjustment to stressful life changes: A meta-analytic review. Psychological Bulletin, 140(6), 1582–1607. https://doi.org/10.1037/a0037913

    • Folkman, S. (2008). The case for positive emotions in the stress process. Anxiety, Stress, & Coping, 21(1), 3–14. https://doi.org/10.1080/10615800701740457

    • Gross, J. J. (2015). Emotion regulation: Current status and future prospects. Psychological Inquiry, 26(1), 1–26. https://doi.org/10.1080/1047840X.2014.940781

    • Hobfoll, S. E. (1989). Conservation of resources: A new attempt at conceptualizing stress. American Psychologist, 44(3), 513–524. https://doi.org/10.1037/0003-066X.44.3.513

    • Hobfoll, S. E., Halbesleben, J., Neveu, J. P., & Westman, M. (2018). Conservation of resources in the organizational context: The reality of resources and their consequences. Annual Review of Organizational Psychology and Organizational Behavior, 5, 103–128. https://doi.org/10.1146/annurev-orgpsych-032117-104640

    • Lazarus, R. S., & Folkman, S. (1984). Stress, appraisal, and coping. Springer Publishing Company.

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